Raymond Klibansky

BIBLIOGRAPHY AND RESOURCES /BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES

En 1926, le philosophe Ernst Cassirer l’invite à Hambourg où il est présenté à l’historien de l’art et collectionneur Aby Warburg et devient membre du cercle de la Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg. Le contact avec Warburg est une grande source d’inspiration et approfondit son intérêt pour les philosophes du Moyen Âge et de la Renaissance. Sa première publication, une édition d’un traité latin du philosophe et mathématicien français du XVIe siècle Charles de Bovelles, est parue en annexe de l’ouvrage de Cassirer Individuum und Kosmos in der Philosophie der Renaissance, publié en 1927 en l’honneur du 60e anniversaire de Warburg par la Warburg Bibliothek (publié en anglais en 1963, et en version française en 1983).

Dans le cercle de Warburg, Klibansky entre également en contact avec le codicologue Fritz Saxl et l’historien de l’art Erwin Panofsky. Il les persuade que leur monographie sur la Melencolia I de Dürer (1923) doit être encore développée. Cette monographie est devenue l’un des projets de vie de Klibansky et contient sa discussion la plus approfondie sur l’histoire des idées. Saturn and Melancholy a été publié pour la première fois en anglais en 1964 et a été élargi et mis à jour dans diverses traductions, en particulier en français (1989) et en allemand (1990), ainsi que dans la nouvelle édition anglaise de 2019.

En 1928, Klibansky achève sa thèse de doctorat sur l’École de Chartres, remarquée par le célèbre médiéviste Étienne Gilson, mais non publiée, principalement en raison de la dégradation de la situation des universitaires juifs. Tout en continuant à travailler sur sa thèse, il devient assistant à l’Académie de Heidelberg, pour laquelle il planifie l’édition critique de Nicolas de Cusa, dont la réalisation prendra près d’un siècle. En 1932, après avoir achevé son Habilitationsschrift (thèse post-doctorale) sur la philosophie et l’histoire, il élabore un deuxième projet d’œuvres rassemblées, l’édition critique des écrits latins de Meister Eckhart.

Il avait déjà commencé à enseigner à Heidelberg lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933 et ont mis fin à ses espoirs de carrière universitaire en Allemagne. Parce qu’il a démontré que les œuvres latines de Meister Eckhart s’inspiraient de philosophes arabes mais aussi juifs, comme Maïmonide, parce qu’il affirmait fièrement son ascendance juive, et parce qu’il rejetait les demandes des nazis d’abandonner ses différents projets, l’accès à son bureau lui a été interdit, ses papiers ont été confisqués et sa vie a été menacée. Il réussit à partir pour la Grande-Bretagne en juillet 1933. Avant son départ, il joue un rôle déterminant dans le déménagement de la bibliothèque de Warburg à Londres, où elle ouvre ses portes en 1934 sous le nom de Warburg Institute.

Extrait de Raymond Klibansky, documentaire tiré du programme Metropolis, réalisé par Pierre-André Boutang et Annie Chevallay. Diffusé par ARTE, 2000. ©Onlineproductions

Klibansky, en 1945, en service en Angleterre.
Collection privée.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Klibansky, qui a pris la nationalité britannique en 1938, a été rattaché au Political Warfare Executive. Après la défaite allemande en Afrique du Nord, il est chargé de préparer des renseignements en vue de l’invasion de l’Italie par les Alliés. On lui reconnaît d’avoir persuadé les Alliés de ne pas bombarder l’hôpital St Nikolaus de Kues, qui abrite une précieuse collection de manuscrits de Nicolas de Cusa. Après la guerre, il a été brièvement directeur des études à l’Institut Warburg, puis a accepté la chaire Frothingham de logique et de métaphysique à l’université McGill de Montréal, poste qu’il a occupé de 1946 à 1975. Après sa retraite, il est devenu membre du Wolfson College, Oxford, entre 1981 et 1995, et membre honoraire par la suite.

Ses années à McGill coïncident avec son implication dans le développement après-guerre de l’Institut international de philosophie à Paris. Directeur éditorial de la Bibliographie de la Philosophie à partir de 1954, il entreprend, sous les auspices de l’Institut, un vaste programme d’éditions dont l’objectif est de diffuser des textes présentant un argumentaire philosophique en faveur de la tolérance. Il a également fondé et édité une série de volumes d’enquête, “Philosophy and World Community”, dont le dernier en date est La philosophie en Europe, édité avec David Pears en 1993. Ces ouvrages se distinguent par l’importance accordée à la philosophie des sciences et par la promotion du dialogue entre les philosophies occidentales et orientales. Homme d’action, Klibansky a défendu activement ceux qui étaient sujets à des harcèlements sous les régimes dictatoriaux, comme le philosophe et infatigable défenseur des droits de l’homme tchèque Jan Patočka.

Le travail de Klibansky s’est poursuivi avec une édition des lettres de Hume et du texte latin de la Lettre sur la tolérance de Locke. Il a également repris l’édition de Cusa et poursuivi son intérêt pour le platonisme avec une étude (coécrite avec Frank Regen) de la tradition manuscrite des écrits philosophiques d’Apulée (1993).

En 1995, il épouse Ethel Groffier, professeure à la faculté de droit de l’Université McGill. Dans les dernières années de sa vie, il s’est laissé convaincre de contribuer à un portrait autobiographique publié sous la forme d’un volume de conversations, Le philosophe et la mémoire du siècle. Entretiens avec Georges Leroux, traduit en allemand, en espagnol et aussi en anglais (à paraître), et à un documentaire de l’Office national du film du Canada, Raymond Klibansky – De la philosophie et la vie (2002, également disponible avec des sous-titres en anglais). Son dernier ouvrage est consacré à l’histoire de l’Institut international de philosophie, Idées sans frontières (avec Ethel Groffier, 2005).

Raymond Klibansky, 1991, devant la plaque érigée par le Sénat de l’Université de Heidelberg listant les professeurs exclus par les lois raciales des années 1930. Photo : Michael Schwarz, UAH.

En 1986, Klibansky a été nommé Ehrensenator de son alma mater à Heidelberg. En 1993, il a reçu le prestigieux prix Lessing de la ville de Hambourg et, deux ans plus tard, l’ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne. En 1995, il a reçu le prix italien Nonino « À un maître de notre temps » (parmi les anciens lauréats des prix Nonino figurent Claude Levi-Strauss, Peter Brook, Edgar Morin, Jorge Semprún). Les honneurs se sont succédé au Canada également. En 1999, il a été fait grand officier de l’Ordre national du Québec. En 2000, il a été fait Compagnon de l’Ordre du Canada en reconnaissance du fait qu’il est « l’un des plus grands intellectuels de notre temps ». Il a également reçu des titres honorifiques des universités d’Ottawa, de Marburg et de Bologne, le statut d’émérite de McGill et de Heidelberg (1975-2005), le titre de Honorary Fellow du Oriel College (1979-2005) et du Wolfson College (1995-2005), à Oxford, ainsi que le prix Reconnaissance de mérite scientifique de l’UQAM (1991).

Des notices commémoratives publiés après sa disparition figurent notamment dans Le Devoir (Québec), Le Monde (France), The Times (Royaume-Uni), The Independant (Royaume-Uni), The Review of Metaphysics et le Mitteilungen und Forschungsbeiträge der Cusanus-Gesellschaft, parmi d’autres. Le Sénat de l’Université McGill a adopté la résolution suivante en son honneur :

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